Le 27 mars dernier, la proposition de loi pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie, dite “bien vieillir” a été adoptée en lecture définitive après une procédure accélérée en commission mixte paritaire. Cette loi contient une série de mesures pour améliorer la prise en charge des personnes âgées à domicile et en EHPAD. Parmi les dispositions de la loi, l’article 9 supprime l’obligation alimentaire pour les petits-enfants dans le cadre d’une procédure de demande d’aide sociale à l’hébergement (ASH). Que signifient ces changements ? Comment fonctionne l’aide sociale à l’hébergement ? Quelles sont les difficultés d’une entrée en Ehpad avec l’aide sociale?
Qu’est-ce que l’obligation alimentaire d’un proche âgé ?
Lorsqu’une personne âgée n’a pas les moyens de subvenir à ses besoins ou de financer son hébergement en maison de retraite, elle peut solliciter l’aide de ses descendants sous la forme d’une demande d’obligation alimentaire, à l’amiable ou en passant par une procédure juridique auprès du juge aux affaires familiales. L’obligation alimentaire découle du principe légal de solidarité familiale. Cette aide sert à couvrir des besoins tels que la nourriture, les soins, l’habillement et le logement. Elle inclut donc également une participation aux frais d’hébergement en maison de retraite, lorsque la personne âgée n’a pas suffisamment de ressources pour couvrir ces frais. Il est important de préciser que l’obligation alimentaire est une disposition légale définie par le code civil, même si elle fait appel au bon sens d’un soutien apporté à un proche.
Qui sont les obligés alimentaires ?
Les obligés alimentaires sont donc les personnes concernées par l’obligation alimentaire envers un proche âgé. Il s’agit essentiellement du conjoint, sous la forme d’un devoir de secours, et des descendants directs : enfants et petits-enfants, gendres et belles-filles. Lorsqu’une demande d’obligation alimentaire est faite par une personne âgée auprès du juge aux affaires familiales, les obligés alimentaires sont les personnes sollicitées pour apporter leur aide financière. Le juge étudiera d’une part les besoins et les revenus de la personne âgée et, d’autre part, les capacités financières de chaque obligé alimentaire. Précisons toutefois que l’obligation alimentaire ne peut pas contraindre les enfants à payer la dette des parents après leur décès, dans le cas où ils refusent l’héritage.
L’obligation alimentaire est déductible des impôts et le montant n’est pas limité. Il est nécessaire de conserver les justificatifs des dépenses effectuées et la personne aidée doit déclarer le même montant dans ses revenus.
Obligation alimentaire et demande d’aide sociale à l’hébergement : ce qui change avec la loi bien vieillir
Les personnes âgées qui n’ont pas les moyens de financer leur hébergement en EHPAD, résidence autonomie ou unité de soins de longue durée (USLD) peuvent faire une demande d’aide sociale à l’hébergement auprès des services du département.
Pour être éligible à l’aide sociale, il est nécessaire de respecter les conditions suivantes :
- être âgé de plus de 65 ans (ou plus de 60 ans si l’on est reconnu inapte au travail)
- vivre en France de façon stable et régulière
- avoir des ressources inférieures au montant des frais d’hébergement
Cependant, avant d’accorder son aide, le département peut d’abord faire appel aux obligés alimentaires et financer ensuite le solde restant par rapport au coût de l’hébergement. L’article 9 de la loi bien vieillir adoptée le 27 mars dernier supprime l’obligation alimentaire pour les petits-enfants d’une personne âgée en établissement lorsqu’une demande d’aide sociale a été effectuée. Si le département choisit de se tourner vers les obligés alimentaires, il ne pourra donc plus se tourner vers les petits-enfants mais uniquement vers les enfants, gendres et belles-filles. Dans la pratique, certains département avaient déjà renoncé à faire appel aux petits-enfants en tant qu’obligés alimentaires et la loi vient uniformiser cette pratique. Les petits-enfants n’ont donc plus l’obligation de financer une partie des frais d’hébergement de leur proche âgée en établissement médico-social.
L’entrée en EHPAD avec l’aide sociale comporte encore des failles
Si la suppression de l’obligation alimentaire des petits-enfants dans le cadre d’une demande d’aide sociale à l’hébergement permettrait, selon ses initiateurs, de diminuer les conflits familiaux et de valoriser le pouvoir d’achat des jeunes, cette mesure ne répond pas encore à tous les besoins du terrain et le parcours de l’entrée en Ehpad avec l’aide sociale reste semé d’embûches. Rappelons que ce sont surtout les Ehpad publics qui sont habilités à l’aide sociale et que le département fixe les tarifs des places d’hébergement en EHPAD réservées à l’aide sociale. Une situation compliquée pour les établissements publics et il existe très peu de places en EHPAD avec l’aide sociale.
Pour les familles et les personnes âgées en attente d’une place en Ehpad, cela s’apparente souvent au parcours du combattant. Les démarches de demande d’aide sociale à l’hébergement comportent une sorte d’anomalie administrative qui complique lourdement la donne. En effet, lorsque l’on dépose le dossier de demande d’aide, il est nécessaire de prouver que la personne âgée a bien été acceptée dans un Ehpad avec une place à l’aide sociale. Or, pour qu’un établissement accepte un résident au titre de l’aide sociale, il exige souvent la garantie que l’aide va être accordée et que quelqu’un paiera bel et bien les frais d’hébergement de la personne âgée. “C’est le serpent qui se mord la queue”, déplore Florence, assistante de service social depuis 20 ans. Elle explique en effet que le recours aux obligés alimentaires bloque souvent le dossier et alourdit la procédure. Le département vérifie les moyens des obligés alimentaires qui ne sont pas toujours d’accord de payer et l’aide sociale peut être refusée.
En attendant, la personne âgée n’a pas de solution d’hébergement, alors que son état de santé ne permet pas de retour à domicile dans de bonnes conditions. Si, dans la pratique, Florence parvient souvent à convaincre les établissements d’accepter le résident en attendant l’attribution de l’ASH, elle évoque un réel non-sens administratif. Lorsque le coût de l’Ehpad dépasse de peu les ressources de la personne, elle conseille souvent à la famille de s’arranger à l’amiable, sans passer par une demande d’ASH.
Si la suppression de l’obligation alimentaire pour les petits-enfants est une mesure appréciable et indispensable, le dispositif général de demande d’aide sociale à l’hébergement devrait être revu pour faciliter l’entrée en Ehpad et améliorer la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie.